
Nous étions sur nos routes incertaines , de nos jeunesses non-élucidées , n’ayant aucune carte routière , aucune destination, traversant les paysages ensoleillés , les brouillards sans ambition, les pluies nous nettoyant des somnolences du quotidien, attirés par les lumières salvatrices des bouts de tunnel , d’une obscurité trop longue ,empruntant l’autoroute des vents contraires à la vie tracée , jusqu’à sortir sur un itinéraire longé par les platanes à l’ombre inspirante , apaisante .
Puis aux braises de notre astre commun , assis sous l’arbre de nos questions , nous regardions l’horizon des réponses volages, en attendant la fonte des radiations solaires afin de s’enrober dans la douce et enivrante toison nocturne aux imprévisibles quantum de luminescence .

Nous étions dans nos songes phantasmatiques , si loin d’un réel inattendu , si loin du bel irréel, trop près de l’inappétence de devenir, lorsque dans un angle de vue encore inexploré, notre regard bloqué, figé, tétanisé d’une sensation incompréhensible , nous paralysant dans un temps arrêté, isolés dans un espace au dessus de la stratosphère d’un monde opposé, où il n’y avait pas de sol et devant nous , la Rose de nos routes apparaissait.
Saisis par sa présence, son halo , nous marchions sur le fil tendu entre notre éveil et nos rêves. Oui , elle était ce rêve, profitant de la somnelence du gardien de l’oubli , pour s’échapper de nos plus jolis sommeils afin de rejoindre le regard de notre présent. Un présent dans lequel nous avions construit un mur de l’impossible car nous étions comme des petits-enfants, devant la Rose ne poussant pas dans les terres faciles . Elle venait des contrées lointaines , où poussent les fleurs de la volonté et nous étions ces brins d’herbe seulement autorisés à être en admiration.

Allongés dans la verdure de la prairie de nos songes , elle nous semblait être ce nuage blanc , nacre de satin , où l’on désirait tant nous blottir contre lui mais arrivés à ses côtés, se volatilisant , soufflé par le vent de l’inatteignable, nous restions là, à regarder le ciel bleu avec son unique douceur blanche.

Devant nous s’exprimait la finesse d’une étoffe légère, aux nuances délicates à chacun de ses gestes. Elle était l’harmonie des sentiments silencieux, la grâce surnaturelle, métaphysique, considérée jusqu’aux yeux des dieux touchant leur déclin, au profit de l’ascension d’une déesse, le septième sens , celui de la pureté, la venusté du charme des empires de beauté. Elle se distinguait par sa pudeur sublime , héritée d’une élégance présente avant l’Humanité car depuis la nuit des temps , si la nature a inspiré le raffinement dans la tête des êtres de ce monde, son charme lui, soufflait sur la nature humaine.

Mais ce soir là elle charmait le cobra de nos nuits d’ivresse . Elle était le soleil du désert sur lequel nous serpentions jusqu’à atteindre la rose des sables fins . Comme une oasis, une soif qui nous manquait , où foulées par ses pas d’élégance, les pierres deviennaient obstinées par la recherche d’une âme après son passage .
Elle est l’étoile si massive de lumière de nos planètes. Attractive , captivante, gravitationnelle, se déplaçant d’un pas subtilement léger sur l’éther du vide , comme la princesse du palais des cieux, comme la déesse de l’Olympe dans la somptueuse résidence des beautés végétales de la grâce fleurie , elle entraîne avec elle des constellations de regards extasiés, en absorbant le spectre lumineux du diamant fou .

Nous nous efforcions de détourner notre regard de celle qui fige le temps et l’espace autour d’elle , celle dont l’infime mouvement provoque le chaos dans l’Univers de nos têtes ahuries . De celle restant dans nos songes , rendra nos lendemains tristes car nous savons que l’on ne peut pas serrer un rêve dans nos bras.
Nous l’imaginions alors au milieu des herbes balancées au même rythme du vent musical , à contre-courant de ce mouvement universel, elle ondulait doucement tel un ruisseau vertical , limpide , ruisselant lentement dans son lac de plénitude. Mais comme des Ulysses de son odyssée , naviguant sur les mers de la tentation, nous nous détachions aisément du mât de l’ignorance forcée, laissant nos regards fondrent sous les températures de sa dance héliocentrique , capturant toute l’attention des tournesols au tournoiement photostropique autour d’elle , dans le champ des désirs inavoués.

Des frissons nous traversaient déjà lorsque son regard fit éruption sur nous. Son sourire à notre égard nous donnait les belles couleurs de la vie et pris dans le tourbillon de son visage , nous étions condamnés à la perpétuité par la justesse de sa marche vers nous . Chacun de ses pas envahissait un pays , conquérait un empire et immobiles nous marchions sur ses rayons dans son hypnose , paralysés dans l’incroyable réalité. Puis elle nous accueillait au parvis de son attente éternelle , ignorante de notre statut mais pour elle nous étions son grand parallélépipéde noir . Elle venait murmurer son invitation à l’oreille de nos sens qui désormais ne nous appartenaient plus . Auprès de la Rose nous redoutions danser comme une oie mais lorsqu’elle nous invita à bord de son Zeppelin survolant l’escalier menant vers le paradis , nous defiions l’impensable, l’irréalisable , la maladresse de nos pas .

Nos yeux posés sur les mêmes fleurs , voyaient les mêmes parfums. Nous étions le sacre de son printemps et pris tout les deux dans la biologie de nos passions , nos regards synaptiques se transmettent les mots qu’il faut .
Le voile des nuits se dérobaient , laissait sa place aux couleurs du jour et nous donnait les circonstances favorables de notre plus bel éveil auprès d’elle , sur les rives lunaires de sa mer de tranquillité au lever de la Terre , assis dans les draps de la rosée matinale, sur les flancs de la vallée nous contemplions son paysage de prairies verdoyantes d’un doux lever du jour comme sait nous offrir la belle saison . Nous restions cloitrés dans la concentration de notre esprit sur la création des existences célestes se laissant glisser dans le ciel bleu auprès du vol de sa présence, qui sans un battement d’aile , glissait sur l’air du silence tranquille de ces contrées lointaines sans civilisation.

La brise du réveil venait souffler sur ses paupières lorsque ses bras venaient doucement nous étreindre et soulever par la douceur de ses caresses, elle nous invitait de l’enlacer de la même tendresse , de la même volupté, l’identique légèreté. Elle prenait la patience de nous regarder apaisés car même pour un court instant , elle savait qu’un homme gentil ce peut être beau .
Entraînés dans le tourbillon de ses pupilles , se révélait à nous , sans un souffle , sa grandeur . Elle était consciente de sa deuxième naissance car affectée d’un même manque affectif , elle s’en sera emparée d’une force pendant que nous en cultivions la faiblesse . Nous étions encore au milieu de l’océan dans la peur du néant, sans la mouette rassurante , sans phares alors qu’elle s’était déjà découverte sur un continent , marchant sur les épaules des géants, le regard posé sur la ligne bornant la terre et le ciel de son avenir . Elle grimpera les sommets de l’impossible , les monts de l’infaisable, pietinant la tête d’Hercule , elle poussera au-dessus des obstacles, résistante , elle est la fleur perspicace, voulant fleurir en toute saison .

Pris dans les plis d’une existence encore froissée, non-étalée, nous nous retenions de lisser les ondes de nos lendemains, confortablement posés dans nos moments timorés , attendant les événements de nos idées sans fondements . Alors en construisant notre fatalité de l’autre côté de la rue face à son monument caché de détermination, de persévérance, nous perdions la simplicité du plaisir d’être auprès d’elle , nous affligeant de toutes les incompréhensions du désir. Sa patience cherchait une place dans nos encombrements , mais sans avoir exploré les espaces de ses pensées, nous avions peur de l’amour qu’elle cherchait en nous , comme d’un monstre affamé , dévorant nos libertés solitaires et pourtant avec la volonté de nous confronter au reflet de la vérité des jeunes cons , nous aurions vu les monstres seuls que nous étions, massacrant les engagements sacrés, dévorant l’Atlas soutenant l’union de deux êtres.
Mais en réalité nous étions les inquisiteurs de son spectre vertueux, pensant nous désigner comme les propriétaires de sa vie acquie à chaque baiser , notarié par l’héritage des vieilles coutumes dominatrices, usées, dépassées .
Dans l’illusion de la posséder, après l’avoir cueillit, nous sombrerons dans les vertiges de nos âmes.

Nous la déconsiderions dans nos projets planifiés sur de la poussière, loin de nos usines bruyantes . Alors elle nous a laissé sur le bord d’une route comme nous l’avions laissé dans la nuit froide et son pardon du lendemain .
Comme un animal abandonné, nous ne comprenions pas , sa vue s’éloignant , son parfum détourné de nos petits sentiments, nous tombions dans son panier des inutiles, elle fuyait notre jeunesse , désabusée de nos artifices. Elle nous laissait sur le bûcher des vanités, sur lequel se consumait par la flamme révélatrice des évidences , notre masque des illusions vénitiennes .
Enfermés à l’extérieur de son amour , de sa tendresse, nous étions des aigles sans ”elle” , survolant dans la nuit sombre , des montagnes aux altitudes acérées. Nous grimpions des regrets aussi hauts que fut la profondeur des ravins de nos promesses vaporeuses, dans lesquelles elle avait chuté. Mais elle avait choisi un autre paysage plus éclairé et dans le bain de son nouvel espoir nous détournions notre regard de peur d’être Actéon , dévoré par ses chiens après s’être absorbé de l’intimité de Diane .
Alors le marchand de sable s’est endormi dans nos nuits blanches dans lequel chaque seconde s’agenouillait devant l’éternité, pour avoir ensuite la désagréable sensation de nous réveiller lors d’une fin d’après-midi d’Automne , un soir d’Hiver , un jour noir sans durée.

Nous retrouvions notre existence avec le poids des regrets , d’un monde massif , étreignant et condamnés à pousser le rocher de nos remords en haut de nos conditions humaines , pour retomber dans la vallée avant même d’atteindre le sommet de l’évocation des lumières de son visage de divinité.
Puis nous nous sommes réveillés seuls avec le jour , fatigués dans nos têtes de Sisyphe, sur ce chemin aride où nous trouvions sous les ondes faibles du Soleil d’un vieil arbre aillant déjà accueilli tant de passant, la lettre des mots de la résilience. Ce vieux papier jauni par de nombreuses lectures , était la rhapsodie de l’expression des pensées , avec la justesse d’une éloquence écrite et mesurée, bordée d’ellipses de vie , sans le pléonasme des mirages atteints en vain . Nous imprègnant de l’ allégorie de nos futurs possibles avec l’euphémisme de la prudence des traits de nos parcours , suivant l’encre des écrits de nos destinées envisageables.

Nous nous relèvions afin de reprendre le chemin vers la révérence à notre passé, espérant êtres accompagnés de la perte de nos souvenirs mais derrière notre tardive deuxième naissance, traînait la résonance de sa réminiscence.
Le bonheur est simple à qui sait se baisser doucement pour le cueillir , nous dit aujourd’hui la mélodie de la rivière du temps coulant sous tant de ponts . Le plaisir de vivre est limpide pour ceux ne s’égarant pas dans les images floues d’hier lorsque dans la conscience de notre mortalité, nous nous enrobons dans les linceuls des estampes de notre jeunesse , revenant comme un corpuscule, un quanta de luminescence sur la route de nos vies .

Nous la pensions dans le coffre de plomb ,enfuit sous les couches géologiques de nos matériaux de mémoire cambrienne , réelle, aujourd’hui elle voyage sa vie sur sa monture de lumière, douce dans l’éclat de son printemps éternel, tellement discrète que le temps l’à oublié dans ses années où les jours sont libres de durer .
Étoffée de son charme persistant mais inconscient , elle vit maintenant à l’âge des lieux où l’on sait apprécier la spiritualité des moments ambrés d’une vie bien accomplie, sur la voie des jouissance de chaque instant s’offrant à elle accompagnée de la liberté choisie.
Comme assis sur le banc au velours rouge au milieu de la gallerie admirant longuement, appréciant les paysages peints, le champ de blé au cyprès, les nymphéas, la montagne sainte Victoire, la nuit étoilée, les coquelicots , la dame en blanc au jardin de Sainte Adresse, nous la regardons car nous savons qu’une femme épanouie est belle en toutes circonstances, sous toutes lumières , à toute heure de la journée.
Nous tenterons peut-être de la croiser, cherchant les mots de la rencontre, les mots freinant les instants où l’on peut se poser et sur le vieux banc en pierre , elle nous invitera peut être à contempler les étoiles des souvenirs rescapés du naufrage du temps passé , elle nous écoutera de ses yeux posés . Ne lui lisons pas la lettre de notre changement, ne lui recitons pas le poème des hommes n’étant plus les mêmes car elle reconnaît le chasseur de yéti du fond des fosses des Mariannes , les pêcheurs de sirène des hauts plateaux Tibétains , les résistants de la dernière seconde d’une guerre sans paix. Lorsqu’elle ferme les yeux , elle voit venir les voix enjoleuses des chevaliers triomphant et leur collier de perle des cœurs perdus. Alors elle nous laissera sur un banc en sable , seul dans notre armure de fleurs sèches , regardant s’en aller la nymphe.

N’attendant plus les pluies , nous perdrons peu à peu l’humidité de notre envie , nous approchant de nos derniers instants dans l’allégresse de l’avoir revu une fois , pour un bref instant de bonheur simple .
Heureux d’avoir vécu, traverser ce monde unique , des sensations, des émotions humaines, des rencontres, des êtres aimants, accompagnants, nous poserons nos bagages sur le bord de la route, marchant apaisés dans la compréhension de notre existence, nous nous laisserons partir pour le grand voyage sans quête , sans recherche , sans ambition , sans espoir perdu , avec le savoir renfermé en nous , de l’éternité sous toutes ses formes, nous menant vers un nouvel univers des mémoires disparues , égarés dans le hasard d’une autre vie , rencontrer la même Rose de nos routes célestes , sans fin .