Depuis des générations, ils héritaient de la pénibilité de la vie, se souvenant de la souffrance de leurs anciens et entrevoyant le même destin pour leurs enfants. Le carcan exigeant de leurs maîtres , rois , empereurs , tsars , dictateurs , pesait trop lourd sur les épaules du supportable à présent. Les persécutions , l’oppression , les impôts , les privations, les abus d’injustice , l’esclavagisme , réduisaient leurs vies à une journée sans la lumière du lendemain.
L’ absolutisme royal , les droits divins , les lois féodales , la puissance aveugle des empires , l’idéologie imposée des dictatures , le fouet des chapeaux blancs , l’ancre des régimes conservateurs des peuples aux pieds de plomb , allaient à l’encontre de ce qu’ils ressentaient au fond d’eux même, la liberté. La liberté de ce qu’ils sont , des êtres à part entière , dotés des mêmes capacités, envies , sentiments que ceux qui les maintenaient au simple rôle d’énergie musculaire. En eux grondaient la colère du désespoir. Ils devaient s’arracher de leurs misérables vies , pousser par cet instinct de survie , cet instinct de l’animal acculé aux frontières de l’inexistence .
Alors ils ont pris les pierres , les bâtons , les faux , les haches , les machettes, les manches de pioche , les fourches , les fusils , leurs outils allaient trouver le crâne, le torse , l’abdomen de leurs dominants , leurs vies n’avaient plus d’importance et celles de leurs victimes ne valaient plus rien . Ceux qui leurs avaient donné la douleur durant toutes leurs vies , allaient la comprendre en un instant d’horreur en la voyant dans le geste ultime et les yeux de leurs anciens subordonnés. Le sang de la vengeance devait couler à flot . La bestialité régnait là et ici-bas sur les terres et dans les têtes. Les échafauds , les pelotons d’exécution , les fosses , les ravins aux rivières de cadavres , les prisons de glace , les camps de l’oubli , étaient la marchandise des devantures du palais d’une justice écorchée à vif .
Tout être s’opposant à ce bouleversement aux dents acérées , goûterai à l’acier de la mort car la révolution était en marche et rien ne devait s’y opposer . L’inertie du mouvement révolutionnaire est d’une telle force , qu’elle écrase tout sur son passage , même la raison .
Maintenant les nouveaux tyrans sont en place . Ils s’organisent , se hiearchisent , se distinguent et décident par la terreur jusqu’à l’ordre voulu .
Le pouvoir est de nouveau revenu, dans d’autres mains , dans d’autres têtes aux visages maquillés. Ils voulaient un changement mais emportés par la folie des masses qui ne pensent plus , ils ont érigé un dogme les conduisant à de nouvelles formes de violence , de répression , d’exclusion , de rapport dominants-dominés . Ceux sont eux les nouveaux moralisateurs, les nouveaux maîtres penseurs. Ils se sont battus contre l’inhumain par l’inhumain dans une totale inhumanité . Ils sont arrivés d’où ils sont partis, ils ont fait leur révolution. Ils ont voulu tout changer avec la pensée de ceux qui les méprisaient et de leur promontoire idéologique, le regard troublé par les nuées de la colère, ils ne perçoivent plus le paysage de l’ancien régime toujours présent.
Au fond de chaque être humain se cache plus ou moins ce point de déviance pouvant nous guider aveuglément sur les chemins de l’horreur , pris dans la tourmente de la folie humaine .
Avant de vouloir tout changer, tentons de regarder en nous-mêmes les changements à effectuer sur nos pensées. Tout en cherchant de ce qu’il y a d’inhumain en nous , cherchons l’éveil dans notre conscience, débusquons le sombre dans notre inconscience et ainsi nous pourrions entrevoir les droits de chacun et non les droits d’un peuple , les droits de l’être et non les droits de l’homme . Les solutions ne sont pas doctrinales mais elles sont issues du désir de changer profondément , s’élever contre tout ce qui obstrue le changement de l’Humanité , alors nous ferons honneur à près de dix milles ans de civilisation.
La révolution tourne en rond , la révolte bouscule et écroule ce qui nous empêche de voir au-delà , à l’intérieur et à l’extérieur de ce que nous sommes.