Le nouveau courage.

  • Sculpture
  • 2024
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Le nouveau  courage

La glissière est déplacée à l’arrière, le marteau est accroché par la gâchette, le canon est lui aussi déplacé vers l’arrière, le ressort récupérateur est sous tension et le marteau est maintenant tendu par la bièle de percussion. La glissière est relâchée , le ressort récupérateur tendu pousse la glissière vers l’avant et elle pousse la cartouche dans le canon , le marteau reste armé grâce à la gâchette et le canon revient à sa position initiale.

L’arme est à  présent chargée et armée . La poignée du pistolet est saisie par la main , la queue de détente  peut déplacer le séparateur. La force de quelques dixièmes de newtons de l’index appuie sur la gâchette enclenchant le percuteur qui frappe l’amorce . La charge propulsive s’enflamme , le projectile commence à tourner en raison  de rayniures hélicoïdales dans le canon permettant la stabilisation gyroscopique de la balle . La balle transperce à présent l’air pour un court instant car sa vitesse est telle que ce présent ressentit aura une vie très courte avant de percuter le présent de son objectif

Objectif  , c’est la valeur que l’on donne d’une vie humaine dans cette situation. La balle ouvre son passage dans l’épiderme,  traversant le corps pour ressortir à l’opposé de celui-ci en lui  offrant un peu de sa force d’inertie  sans l’attendre et le laissant dans la foudre de l’angoisse et l’effroi de l’inattendu. A qui appartient cet index ? Qui lui a donné l’autorisation de cet acte interrompant la vie d’un semblable . Je remonte la hiérarchie de l’ordre , de la décision . Maintenant,  après avoir traversé les différents étages des  » c’est pas moi  » , j’arrive tout en haut et enfin je te vois.

Tu es assis sur ton fauteuil devant ton  bureau tout les deux sculptés dans l’acajou, l’ébène de Mozambique,  l’ivoire rose , blanc des défenses d’éléphant , le marbre italien,  Calacatta , Statuario , Arabescato , Dolomiti , le granit rose . Marquettés de pierres précieuses , diamants ,rubis,  jade,  émeraude . Tapissés de cuir de veau , d’autruche , de lézard,  de crocodile , de tissus précieux.  Le lustre de cristal,  d’or , d’argent aux mille lumières , éclaire sans une ombre l’ensemble de ton officium  présidentiel , dictatorial , royal,  princier , gouvernemental,  de la chancellerie , de dirigeant suprême , imperial  , de l’armée nationale .

Tu es donc là  , en ces modestes lieux , loin de toute luxure superflu,  loin de tout confort moelleux avec pour seule valeur,  ta présence ici , entre ces murs blindés , plombés , ton regard et tes lèvres  à  l’horizontal,  aux yeux imperturbables , tu fixes l’unique caméra de cette pièce pour partager avec nous toutes tes valeurs de ton immense courage. Enfin je dis partager , je devrais plutôt dire que tu tentes de nous transmettre ton courage que nous n’avons pas comme tu sais l’avoir.

Mais comment peux tu conserver en toi tout cet enthousiasme à combattre ainsi , n’hésitant pas à  te confronter à  la proche distance de milliers de kilomètres de cet homme , cette femme , cet enfant , dont la lâcheté se taira dans l’instant où le projectile le traversera afin d’interrompre sa médiocre existence à vouloir simplement vivre . Tu peux exprimer toute ta fierté , car sans faillir et aguerri aux fatigues de tes guerres pixelisées , tu as su être  le digne guerrier de ta liberté pour nous . Tu comptes  beaucoup sur le soutien  de ton peuple librement enchaîné à ton idéologie . Il t’apprécie comme son sauveur  , son guide,  son unique protecteur contre les mythologiques loups agresseurs. 

De part ton héroïsme,  seulement  entouré par quelques centaines de gardes du corps , tu nous éloignent des temps où les décideurs d’un combat , d’une guerre , luttaient lâchement auprès de leurs combattants armés d’armes à la technologie de un mètre de long avec le perfectionnement d’une lame aiguisée , d’une pointe perforatrice , se délectant du plaisir à humer les douces odeurs de sang chaud et des viscères de leurs ennemis,  de leurs compagnons de guerre.

Aujourd’hui toi , tu as donner un code d’honneur à ton combat en utilisant des simples chars d’assaut , des avions de chasse , de petits navires de combat pouvant accueillir quelques milliers de soldats , des missiles auto-guidés afin d’atteindre avec une  précision aléatoire la cible de ton ennemi , massacrant vaillamment les méprisables et indignes populations civiles . Enfin si ton adversaire ne comprend pas que tu viens seulement semer la paix sur ses terres barbares , de ton vaillant index tu  menaceras sa pleutre population innocente , ignorante , d’appuyer sur ton petit bouton rouge .

Ah , merci à toi , d’incarner le nouveau courage ,  cette bravoure de combattre depuis ton palais,  au plus loin du risque de la mort et dans ton lumineux costume trois pièces,  cravate au ras du cou , immaculée de l’invisible boue des champs de bataille,  des tranchées inondées , des trous d’obus , tu sors enfin vainqueur  t’essuyant une dernière fois le front de ta sueur sentant l’essence de patchouli pulvérisée .

Sur cette victoire,  sur ta victoire,  tu peux reconstruire maintenant ton monde idéal sur les fondations osseuses des jeunes fils et filles de ton peuple ainsi que sur les squelettes de leurs jeunes frères et sœurs ennemis ayant les mêmes rêves brisés par ton héroïsme de bureau. Tu regrettes profondément l’absence et la non-participation de tes enfants à cette belle guerre mais ils avaient piscine.  Une piscine si grande qu’elle aurait put recueillir et contenir toutes les scintillantes larmes de toutes ces mères et pères ayant comme honorifique récompense pour le sacrifice de leur progéniture,  le souvenir de leur sourire sur une photo au ruban noir .

Nous devrons maintenant  et pour le restant de nos jours te glorifier pour ta céleste vaillance au combat et pour ce nouveau  courage que les temps modernes ont besoin et que tu incarnes  parfaitement .

Mais qu’entend-je ? Quel est ce refrain ? Tu ne l’entends pas , tu es trop haut . Mais baisse toi un peu , écoute.  Tu n’entends toujours pas . Veux tu vraiment entendre ? Avant que tu t’endormes dans tes draps de satin blanc avec tes rêves d’illusion, je vais te chantonner ce vieux refrain . Moi je l’entend , il sort des failles de la Terre , comme ces vieux fantômes aux armes rouillées,  des vieilles  batailles,  réveillés par tous ces nouveaux corps fraîchement ensevelis par la retombée des gerbes de gravats après l’explosion de tes bombes aveugles.
Bonne nuit et dors dans le grand lit des impunis pour ceux qui grâce à toi n’ont plus de sommeil.

 » Ceux qu’ont le pognon , ceux là r’viendront
  Car c’est pour eux qu’on crève
  Mais c’est fini , car les trouffions
  Vont tous se mettre en grève
  Ce s’ra votre tour , messieurs les gros
  De monter sur le plateau
  Car si vous voulez la guerre
  Payez- la de votre peau . »

  • Technique : Sculpture
  • Année de réalisation : 2024

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